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LES LOIS.



L’originelle Mort, d’où l’univers est né,
Engourdissait dans l’œuf l’innomable matière,
Et, sans force, impuissant, le Verbe consterné
Pesait dans l’infini son œuvre tout entière.


Soudain, sous l’œil de Dieu qui regardait sans but,
Frémit une lueur vague de crépuscule.
L’atome vit l’atome ; il bougea : l’Amour fut,
Et du premier baiser naquit la molécule.


Or, l’Esprit, stupéfait de ces accouplements
Qui grouillaient dans l’abîme insondé du désordre,
Vit, dans la profondeur des nouveaux firmaments,
D’infimes embryons se chercher et se mordre.


Pleins de lenteur pénible et d’efforts caressants,
Les corps erraient, tournaient et s’accrochaient, sans nombre.
L’Amour inespéré subtilisait leurs sens ;
La lumière naissait des frottements de l’ombre.