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LE SOIR.



LE NÉNUPHAR


à luigi loir


L’air s’embrume : les joncs, roux comme de vieux os,
Encadrent l’étang noir qui dort sous le silence.
L’eau plate luit dans une opaque somnolence
Où le ciel renversé fait glisser des oiseaux.

Et là-bas, loin des bords gluants, loin des roseaux,
Seul, bercé dans sa fière et souple nonchalance,
Un Nénuphar, splendeur nageante, se balance,
Tout blanc sur la noirceur immobile des eaux.

— Ainsi, tu t’ouvriras peut-être, un soir d’automne,
Ô mon suprême amour, espoir d’un cœur atone,
Fleur triste et froide éclose au lac de mes ennuis.

Et le chaste parfum de ta corolle pâle
Montera dans le calme insondable des nuits,
Avec le dernier cri de ma douleur qui râle.