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LE SOIR.

Oh ! pourquoi s’éveiller de ta mort éphémère
Après avoir goûté l’espoir de n’être plus ?
Pourquoi la vérité, froide et fausse chimère,
Chassant dans le hasard nos pas irrésolus ?


Ce doit être si bon de rentrer dans les choses,
De n’avoir plus de vœux, plus d’erreur, plus de foi ;
D’être comme le vent qui joue avec les roses
Ou comme l’eau qui court sans demander pourquoi ;


D’avoir à tout jamais fermé le triste livre
Où notre ennui comptait son âge avec dégoût ;
De ne penser à rien et d’exister sans vivre ;
D’être un peu de poussière au milieu du grand Tout…


Ah ! les rochers lointains sur les monts solitaires !
Les blocs que la mer bat sans les faire frémir !
Les filons enfouis aux profondeurs des terres
Et dormant sans savoir qu’on peut ne pas dormir !