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LA VIE INTÉRIEURE.



LA LUNE


à louis bouquet


 
Pleine et ronde, du bord de l’horizon dormant,
La Lune, avec lenteur, s’enlève, solitaire ;
Et son disque éclatant monte dans le mystère
Du grand ciel nu qui fuit silencieusement.

Sa clarté qui rayonne emplit le firmament :
Or, c’est un globe éteint, un astre involontaire,
Un miroir sans chaleur esclave de la terre,
Et sa calme splendeur n’est qu’un reflet qui ment.
 
— Tel est mon cœur, hélas : inerte, froid et vide,
N’ayant pour s’éclairer que la lueur livide
D’une vie et d’un monde où tout est mort pour lui.
 
Mon cœur, qui, seul, perdu dans l’immensité noire,
Suit l’orbe irrésistible où m’entraîne l’ennui,
Et roule en plein néant, sans force et sans mémoire.