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LE SOIR.

Ses boulevards sans fin fendent l’immensité
Où nul frisson vivant ne vibre et se balance,
Et tous pareils, tous droits, courent dans le silence,
Coupant à coins égaux l’uniforme cité.


Tout se ressemble : un art rigide et monotone,
Reniant les palais et les temples bénits,
Sur un dessin unique a taillé les granits
Dont la façade lisse a des teintes d’automne.


Les maisons, mornes sœurs, par groupes familiers,
Massent leurs angles durs et leurs toits en terrasses,
Catafalques de pierre où moisirent des races,
Et qu’un ennui pesant aligne par milliers.


Point d’herbes ; point de fleurs ; point d’arbre aux feuilles vertes
Tout s’est pétrifié dans un sommeil géant,
Et l’on croit voir bâiller les noirceurs du néant
Dans le cadre profond des fenêtres ouvertes.