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LA VIE EXTÉRIEURE.



CHANSON À BOIRE


Par Bacchus et Noé, je crois que je suis ivre !
J’aurai donc, pour un soir, connu l’amour de vivre,
Reconquis mes gaîtés, mes douceurs et ma foi,
Et posé ma croix lourde aux rochers du calvaire…
— Or, pourquoi ? Pour un peu de mousse dans du verre,
    Et je deviens meilleur que moi !

Ô ma pensée ! Orgueil unique de mon être !
Que vaux-tu donc, si tout te fait changer ou naître ?
C’est toi qui rutilais dans l’éclat des cristaux
Et scandais en chantant le hoquet des bouteilles ;
C’est toi qui mûrissais dans les grappes vermeilles,
    Sur le flanc lointain des coteaux !