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LA VIE INTÉRIEURE.



LA SIRÈNE



L’escale du bonheur fut courte : elle est passée ;
Naufragé de l’amour, je roulerais cent ans,
Crispé, vivante épave, à mes regrets flottants,
Sans voir d’île, où finir ma navrante odyssée.

Ô Mort, Sirène Mort ! Chante dans ma pensée !
Je t’aime ! Si j’osais sombrer avant le temps !
Tu sais que je suis tien, je sais que tu m’attends :
Si j’osais t’épouser ce soir, ma fiancée !

Tu m’emporterais nu dans tes bras : tendrement,
Tu laverais d’oubli le cœur de ton amant ;
Ce malheur qui fut moi rentrerait dans l’abîme.

Et tout serait fini pour toujours, bien fini ;
Et je pourrais dormir sans remords, impuni,
Dans mon premier amour et dans mon premier crime.