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LA VIE EXTÉRIEURE.



Les bois qui s’étageaient sur la pente des monts
S’affaissent ; l’Océan submerge les prairies,
Tandis que, surgissant du sable et des limons,
Les continents nouveaux sortent des mers taries.


Les pôles dégelés roulent vers le soleil ;
Les dieux qu’on adorait sont remplacés par d’autres ;
Les empires houleux s’endorment sans réveil,
Et les cultes vieillis lapident leurs apôtres.

 
Les lois chassent les lois dont un peuple était fier ;
Un fleuve de mépris vient en laver les traces :
Nous punirons demain ce qui fut juste hier,
Et nos propres vertus feront rougir des races.


Chaque fleur qui fleurit porte déjà son deuil ;
Le vrai n’existe pas : nous changeons et tout change.
L’immortel n’est qu’un mot créé par notre orgueil
Rêvant pour oublier qu’il est né sur la fange.