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LA VIE INTÉRIEURE.

En mémoire de nous, je te donne ce livre
Où mon rut exalté se dresse, triomphant :
Ceux qui passeront là pourront m’entendre vivre.


J’ai tiré les rideaux de mon lit, grands ouverts :
Je n’ai honte de rien et je crie à pleins vers
Quand l’amour bienfaisant descend sur ma torture.


Plus corrompu que nous, le siècle n’aime pas
Qu’on se souvienne d’être un fils de la nature
Et qu’on dise tout haut ce qu’il pense tout bas.


Il veut qu’on soit poncif et qu’on chante les roses,
Les bois, les vingt printemps, l’âme et les vents moroses ;
On doit rougir d’être homme et renier sa chair.


Ah ! qui nous rendra l’âge où la grâce était nue !
L’âpre splendeur du vrai rendait le beau plus cher,
Et la pudeur dormait, hérésie inconnue.