Page:Haraucourt - L’Âme nue, 1885.djvu/198

Cette page a été validée par deux contributeurs.
183
MIDI.


SONNET À MA MIE


 
Je regrette le tems où tout bardé de fer,
Hampe au poing, dague au flanc, on erroit par le monde ;
Le tems où l’on vêtoit le heaulme à grille ronde,
Le gorgerin de cuir, la gambe et le hauber.


Coups de masse et d’estoc ! On étoit fort et fier.
On se navroit gaîment pour le los de sa blonde ;
Le cœur étoit loyal et la valeur féconde :
Les gentils preux n’avoient souci que de l’Enfer.


On ne se cachoit point pour rêver à sa mie ;
On s’aimoit sans remords et nul n’en gaussoit mie !
Seul, le parjure aux vœux d’amour étoit félon.


Beau tems ! J’eusse porté tes couleurs, ta devise,
Et ton nom brodé d’or sur mon blanc gonfalon,
— Une nuit m’eût fait roi qui t’eût faite marquise !