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Chardon, l’éloge est assez long, et il me semble que ces seuls mots : Il est mon ami, suffisent largement à son apologie. »

— Non, pas les miens, dit Georges : c’est sec.

Il lut pourtant.

« Ton billet m’a étonné. Je te vois trop en rose ? Écoute, Arsemar, je te le dis du plus profond de mon cœur, tu es le garçon le plus estimable que j’aie jamais rencontré. Et je te prise non pas tant pour ton intelligence si fière que pour ton noble cœur, tes sentiments d’honneur et de loyauté. Tu es raisonnable. C’est beau, sans en avoir l’air ! Qui donc est parfait ? Mais cette idée seule de ne pas sortir dimanche, parce que Bertin ne sort pas ? Tu trouves cela naturel, aimable garçon, et même, dans ta modestie, tu dis : « Le temps sera mauvais. » Cependant Bertin n’a-t-il pas déclaré qu’il t’aimait moins que ce grand sot de Lenotaire. Ô mon bon Pierre, je te jure que cet acte m’a transporté d’admiration pour toi ! »

— Nous en avons perdu, quel dommage !

« Tu m’as fait de la peine, Georges, en plaisantant Garrot sur ses croyances religieuses. Je l’envie. Hélas ! Voilà plus d’un an que les miennes sont mortes, et rien encore ne les a remplacées. Combien je la regrette, la poignante extase qui m’agenouillait autrefois devant la table sainte et me faisait battre le cœur d’un effroi délicieux ! Tu ne sais pas et tu rirais de savoir quel ardent chrétien je fus au sortir de l’enfance, avec quelle passion je me courbais devant les chemins