Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Quel fou !

— Je me souviens ! Je venais de lire pour la première fois cette phrase du cher de Thou qui, allant à l’échafaud pour le crime de Cinq-Mars, disait simplement : « Il m’a cru son ami sincère et véritable et je n’ai pas voulu le tromper. » Il n’y a pas à dire, tu sais, c’est une des plus superbes choses du monde, cette phrase-là.

— Était-ce une raison pour assommer un pupitre innocent ?

— Sotte ! marmonnait Georges… Avouez, madame, que ce massacre-là ne saurait damner votre mari : il a frappé un pupitre, c’est mal ; innocent, c’est pis ; même dans une émotion qui pourrait vous paraître religieuse, mais citerez-vous des cultes qui n’aient pas un crime en leur histoire ?

— Pierre a donc un culte ?

— Oh, si peu ! La religion d’aimer : la lui reprochez-vous ?

— Des mots ! Pierre n’est qu’un abominable païen et je désespère de sa conversion.

— Vos efforts seront comptés en jours de paradis, madame.

— Je ne suis pas si loin de toi. Merizette, que tu le penses.

— Un païen !

— Pourquoi ? Les âmes d’athées ne sont souvent que des âmes de croyants, venues trop tard. J’aime le Christ pour sa force si douce et son conseil d’amour ;