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timent de nos devoirs ; non pas de mourir, car les convalescences croient en elles : mais au contraire de guérir. Il s’inquiétait des phrases rassurantes que chaque soir leur prodiguait le médecin, et quand l’homme de science disait : « Encore cinq jours… quatre jours… trois seulement… » Georges ne répondait à la satisfaction d’Arsemar que par une muette anxiété, et se demandait : « Quand je ne serai plus malade, m’aimera-t-il encore ? »

— Qu’est-ce donc, pensait-il, que la douleur du corps ? La bonne douleur, et comme elle vaut mieux que les tourments de l’âme ! Ai-je vraiment souffert ? Je ne m’en souviens pas.

Il rêvait de rester des semaines dans cette chambre close, et sur ce lit sans trêve.

Il osa parler de ses incertitudes, et Pierre l’interrompit d’un mouvement si ému que tous deux en furent rassurés.

Ils causèrent ; ils épanchèrent les secrets trop longtemps contenus. Georges pouvait dire quelles circonstances involontaires et imprévues l’avaient séduit près d’une femme qu’il détestait ; quelles angoisses l’avaient crucifié depuis lors, et quelles terreurs l’avaient assailli sans repos. Pierre pouvait écouter : il expliquait lui-même les raisons d’amoindrir la faute.

Il consolait !

Il s’humiliait aussi dans la confession de ses indifférences et de ses cruautés ; il demandait pardon aussi : Georges à son tour le consolait.