Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/387

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bonsoir en souriant… Lorsque Arsemar et Desreynes atteignirent la tour de Cécilia Metella, ils descendirent du landau : ils marchèrent entre la double rangée des ruines tumulaires, au milieu des marbres noircissants et des briques terreuses. Alentour, la campagne de Rome s’étendait immensément : par intervalles, des monuments crevés se dressaient sur le ciel ; des têtes de marbre dormaient dans le gazon ; sur les plaques on lisait de grands noms latins ; puis, au mur des tombes, des bas-reliefs rongés, des frises émiettées, des tronçons de colonne, des faces écrasées ; et, sur tout, le vaste silence du soir. La pierre milliaire se haussa dans le crépuscule. À droite, le soleil se couchait, sous une pourpre échevelée ; à gauche, l’aqueduc fuyait vers les confins de l’empire ou de la terre ; au fond, le mont Albain était tout violet.

Pierre dit : « C’est beau. » Il ajouta : « C’est bon. »

Ils avançaient toujours ; une fumée lourde cercla l’horizon. Les deux hommes s’arrêtaient à chaque pas. Soudain le froid tomba.

— Veux-tu que nous rebroussions chemin, Pierre ?

— Pas encore. On est bien.

Une fraîcheur humide pénétrait leurs vêtements : Georges frissonna. Ils mirent près de deux heures à regagner la voiture et rentrer dans la ville. Desreynes frissonnait souvent ; il ne put dîner, et le lendemain garda le lit. Un médecin prescrivit le repos : au terrible nom de quinine, Pierre fut épouvanté.

Il resta près de son ami.