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doigts, et, sous le vent de la course, les blancs carrés s’enfuirent, furtifs, dans la nuit.

Pierre, pour n’en rien voir, avait fermé les yeux.

Le lendemain, le couple fut à Vannes, et une barque de pêcheur l’emmena dans un village où tous deux avaient ensemble passé quelques semaines, jadis.

Port-Navalo est une rangée de basses maisons bretonnes, à l’extrémité de la presqu’île de Ruys, qui ferme la mer du Morbihan : lande sauvage et grandiose, pour laquelle le soleil se lève sur l’Océan et se couche sur le golfe semé de trois cents îles.

C’est là qu’ils conduisirent leur relégation.

La barque, penchée sous le vent, cinglait à travers les monticules rocheux ; Pierre berçait ses regards sur les flots, et baignait sa tête nue dans la fraîcheur du vent salin. L’eau fuyait avec eux dans le reflux ; Georges y trempait ses mains ; puis la voile claquait, la barque virait de bord et reprenait sa ligne vers un autre horizon, qui surgissait, gris et bleu, entre le ciel pâle et l’onde métallique, très loin, sous les vapeurs.

Le calme fort de la mer déjà rassérénait leurs âmes. Ils s’abandonnèrent à une sorte de bien-être, en retrouvant dans la petite auberge leur chambre unique et leurs deux lits. Ce tableau les rajeunissait, et l’oubli leur vint pour une heure presque entière. Après le repas, ils firent le tour des côtes, et s’assi-