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PREMIÈRE PARTIE

À TROIS


I


Il y a un goût dans la pure amitié où ne peuvent atteindre ceux qui sont nés médiocres.
La Bruyère.

Depuis une heure, Desreynes, enfoncé dans le coin de son compartiment, voyait les talus, les poteaux et les arbres, rigides et plats comme des découpures, courir derrière la glace du wagon ; les fils télégraphiques dansaient sur le ciel pâle, comme le bas d’une feuille de musique qui monte et descend, et Desreynes s’amusait à pointer, entre ces lignes, les notes de l’air obsédant que lui chantaient les cahots du train.

Il ouvrit un journal et le ferma.

En vérité, il s’ennuyait : elle était tombée, la grande joie qu’il avait eue d’abord à l’idée de ce départ, engourdie par les bercements de cette fuite sur les rails, mourante avec toute pensée.

Il regarda ses voisins, et constata que tour à tour