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détails de l’audience : Jeanne feignait d’écouter. Elle était absorbée dans la contemplation de son mari, et l’analysait avec une minutie savante, comme si elle eût cherché un changement en lui. Elle n’aurait pas voulu le trouver ridicule, car la femme estime qu’il rejaillit sur elle un peu de dérision, dès qu’on peut railler celui dont elle porte le nom, déshonoré par elle ; pourtant Jeanne était taquinée d’ironies. Le mot de Molière la poursuivait ; elle essayait en vain de s’en délivrer, comme un enfant que l’on chatouille et qui se sauve sans pouvoir ne pas rire.

— En voilà un, du moins, dont je suis sûre…

Elle fouilla dans sa mémoire.

— En ai-je connu d’autres dont je sois bien certaine ?… Non… C’est drôle, on en cite tant… Ah, j’oubliais… Papa !

Elle n’eut pas un instant de pardon pour sa mère : nos fautes nous retirent, pour les fautes pareilles, le peu d’indulgence qui nous restait au cœur avant de les commettre nous-mêmes : on venge la morale en reportant sur autrui la part d’indignation qu’on économisa sur son propre péché.

— Et puis, ce n’est pas la même chose !

Pierre restait beau ; elle avait lu, autrefois, le roman d’une femme qui voulut demeurer fidèle à l’adultère et s’écarta de l’époux trompé… C’était un peu naïf ; et imprudent, grand Dieu !

— Je commence à être inquiet sur ce pauvre Georges. Quand donc l’as-tu quitté ?