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vait. Il n’y eut jamais que la haine entre moi et cette bâtarde maudite ! On avait bien besoin de jeter cette pourriture dans notre vie !

Ses regrets et sa haine se soulageaient d’insultes, contre elle, contre lui, et peu à peu tout autre sentiment fit place à la colère.

Il se frappait du poing.

— C’est fait ! Entends-tu bien, misérable, ce que cela veut dire : « C’est fait » ? Pour toujours ! Tes lèvres l’ont baisée, brute ! Heuh !

Et il passait sur ses lèvres les doigts crispés de ses deux mains, pour en arracher les baisers morts.

— Mon pauvre Pierre !

C’est la première fois, enfin, qu’il prononçait ce nom, et, comme un charme, ce nom seul épurait son âme. Alors, ce fut le remords grave, profond, immense, le gouffre d’angoisses, la désolation muette, l’amitié naïve et sanglotante, le plus pur de son désespoir.

Il resta sans bouger pendant de longues minutes, abîmé dans l’amour de sa victime…

— Pauvre cher ami bien-aimé ! Quand il saura cette horrible chose ! Car il faudra qu’il sache, il faudra que je dise ! C’est donc moi qui vais te tuer, mon Pierre ?… Comment pourrai-je parler ? Je ne saurai jamais… Je dirai…

Mais il se vit en face de l’ami trompé, et se reprit à fuir.

— Je ne peux plus le revoir ! Il faut que je ne le