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d’amour écrit autrefois par Desreynes et à se plaindre d’une tentative de séduction. Non, la ruse serait trop lourde, et Georges n’aurait pas assez à en souffrir ! Mieux, à ses pieds ! Il faudrait qu’il y vint, là, pleurant de détresse et de passion, traître à tout. Il y viendra ! Et comme elle le souffleterait, alors ! Ah, dût-on, pour ce triomphe, étouffer dix mille pudeurs ! « S’être moqué de moi ! » Et Jeanne pleura de rage sous ses poings fermés, en mordant le coin de ses doigts.

Elle se jeta à terre ; roulée parmi les foins coupés, elle enfonçait ses coudes dans le creux des meules, et de grosses larmes serpentaient le long de ses bras. Soudain, elle entendit des pas sur le sable de l’allée ; elle se dressa d’un bond.

— Attendez !

Alors elle s’essuya le visage et commença lentement à se dévêtir, puis tout d’un coup :

— Suis-je folle ? Elle se rhabilla. — Entrez ! cria-t-elle à Louise.

Georges était loin de soupçonner un tel orage ; l’optimiste de certains hommes n’est souvent fait que d’une paresse d’esprit. Sceptique bien plus que pessimiste, celui-ci s’accommodait aisément des plates nullités de la vie, et toutes ses humeurs se dissipaient sans peine dans un sourire d’insouciance. Quand il eut dépensé quelques minutes à pester contre sa sottise, il ne vit plus dans l’escapade qu’un vaudeville assez banal à terminer par un bon mot. Même n’y avait-il