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Desreynes s’éloigna, heureux d’être libre, et la tête un peu lourde.

Il rencontra la fille sur le seuil du perron, et tout en parlant, il lui avait posé la main sur une épaule. Louise était une blanche Flamande, blonde et ronde, de vingt ans. Les soubrettes n’étaient point le faible de ce mondain, mais celle-là lui parut si fraîche, aujourd’hui, que, distraitement, il avança deux doigts jusqu’au rebord du col, en frisant sur la nuque la boucle des premiers cheveux. La servante se prêtait en souriant, baissée un peu, et Georges s’était penché aussi ; il regardait cette belle chair transparente, tiède comme un marbre au soleil, et duvetée. Il dit une galanterie paysanne, qui secoua la riche poitrine sous un rire mal étouffé ; la fille se courba pour fuir, mais tous deux pénétrèrent dans le couloir, firent quelques pas ainsi. Il la tenait toujours à la nuque, qu’il baisa, et la Flamande partit d’un large éclat de gaîté. Georges se retournait, quand il vit la comtesse, immobile, pâle, les bras croisés, raide et haute sous le grand cadre lumineux de la porte.

Il hésita sur une route à suivre, et continua droit devant lui.

Alors, Jeanne s’écarta et, d’une voix sèche, elle dit :

— Passez !

11 passa, et descendit les degrés du perron ; il éprouvait quelque honte de la mésaventure : la vie est semée de ces fautes mesquines et méprisables, qu’on veut bien raconter alors qu’elles sont anciennes, mais