Page:Haraucourt - Amis, 1887.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blancheur humide de l’émail ; ses belles dents luisaient.

— Nous sommes bons amis, maintenant, n’est-ce pas ? disait-elle.

Elle avançait sa main jusqu’à celle du jeune homme, et jouait des doigts dans ses doigts.

— Combien avez-vous laissé de maîtresses à Paris ?

Elle voulait attiser son imagination par des souvenirs d’amour, mais Desreynes demeurait, sur ce point, d’une réserve britannique.

— Voilà quatre semaines bientôt qu’elles vous attendent : ne vous manquent-elles pas ?

— Insinuez-vous qu’il soit temps que je parte ?

— Oh, cher !

Sa parole se faisait tendre alors comme un baiser, et son bras pesait plus lourdement.

Lorsque Pierre était là, elle se mettait entre eux : elle les appelait : « Mes enfants. » Elle avait des joies folles et s’accrochait à leurs manches pour sauter des mètres de cailloux ou de sable. Ces promenades à trois l’amusaient, car sa perversité y trouvait un piment nouveau, mais elle préférait leur solitude à deux, qui la laissait plus libre.

Ils se mirent ensemble à préparer les cartes d’invitation : au passage de chaque nom, Jeanne faisait du personnage une peinture rapide et qui toujours était moqueuse, souvent cruelle.

— Le baron Nigault de Valtors, mon amoureux, homme de cheval et de devises : sait par cœur la