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LA POÉSIE D’ANDRÉ CHÉNIER

l’art de Pyrgotèle ingénieux élève », un musicien : « un fils de Polymnie à qui Naple enseigna la sublime harmonie. » Œnone disait à Phèdre : il y a trois jours « que votre corps languit sans nourriture » ; c’eût été un langage trop prosaïque pour Chénier chez qui la mère dit à son fils malade : « ton corps débile a vu trois retours du soleil sans connaître Cérès. » S’il reçoit de l’argent, par hasard, une élégie nous l’apprend, il abandonne aussitôt les études et s’abandonne aux amours ; mais il faut écouter ses propres paroles : « Si Plutus revient, adieu le sage Lycée et l’auguste Portique ! » On doit savoir ce que c’étaient que le Lycée et le Portique. Et comme le pain est pour lui Cérès, l’argent Plutus, de même il ne parle pas de fleuve, mais de Naïade ou de Nymphe « Que répètent nos bois, nos nymphes, nos coteaux » ; ni de soleil, mais de Phœbus, ni de mer mais d’Amphytrite, Thétis, Neptune, etc. Une de ses périphrases favorites se trouve dans les vers suivants où Chénier dit que le mauvais poète mourra de sa propre misère et ne mérite pas la satire. Il ne vaut pas la peine que l’on aille


sous la terre, au trop fertile sein.
Semant sa renommée et ses tristes merveilles,
Faire à tous les roseaux chanter quelles oreilles
Sur sa tête ont dressé leurs sommets et leurs poids…


Le lecteur devra se fatiguer un peu l’entendement pour découvrir que cette périphrase tourmentée se