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— Des espions ?!

— Mais, monsieur, comment pourrions-nous faire de l’espionnage en étant blottis dans cette citerne ?…


Le Maréchal Foch.

Un coup de feu retentit tout proche.

— Écoutez ! dit l’officier… On tire ! Ce sont des francs-tireurs… vos compagnons !

— Nous serions des francs-tireurs ? dit Deraedt. Fouillez-nous et persuadez-vous que nous n’avons pas d’armes…

On fouilla les malheureux, mais on ne trouva même pas un couteau.

— Il y a beaucoup de francs-tireurs en Belgique ! reprit l’officier, répétant ainsi l’accusation inique et insensée, propagée depuis le début des hostilités.

— Oh, monsieur, ne faites pas du mal à mon mari ! suppliait la femme Deraedt. Il n’a posé aucun acte hostile… Il n’a pas tiré… il n’est pas armé, vous avez pu le constater… Laissez-le…

— C’est toi le fermier ? reprit l’officier.

— Oui.

— Tu as cheval et voiture ?

— Oui… Deux de mes chevaux courent là-bas dans la prairie… Quatre autres ont été tués par les bombes…

— C’est bien ! tu restes ici, les autres peuvent partir.

— Mais je n’ai rien fait, Monsieur…

— Tu resteras, dis-je.

La femme Deraedt tomba à genoux et leva les mains, suppliant :

— Oh, Monsieur, ne m’enlevez pas mon mari… il est innocent… Ayez pitié !… laissez-nous partir ensemble…

L’officier fit un geste d’impatience.

— Il ne sera fait aucun tort à votre mari, dit-il.

Mais la paysanne ne le comprit pas et elle continua en sanglotant :

— Ayez pitié de moi et de mes enfants ! Pourquoi saisissez-vous mon mari… il ne vous a fait aucun tort… Il n’a pas tiré… il n’a pas d’arme…

— Dis-lui que tu dois transporter des blessés et que tu seras remis en liberté !… ordonna l’officier au fermier.

— Je ne serai donc pas fait prisonnier ?

— Non, tu transporteras des blessés et tu pourras t’en aller après !

— Femme, relève-toi, dit le paysan plus calme. Je ne suis pas prisonnier !

— Tu peux m’accompagner ?…

— Je dois transporter des blessés après quoi je serai remis en liberté…

— Alors je reste avec toi…

— Cela ne se peut pas…

— Je le veux… je ne partirai pas…

La fermière se releva et regardant l’officier en face, elle dit d’une voie ferme :

— Je ne crains pas le danger, Monsieur, j’aiderai mon mari… je ne le quitterai pas !

— Que ces gens s’en aillent ! ordonna l’officier. Il appela quelques soldats et leur dit quelques mots.

— Venez ! dit un des militaires, soyez sans crainte. Je vous conduirai hors de la ligne de feu et vous serez libres…

— Mais je ne m’en vais pas, je reste avec mon mari ! cria la fermière.

Deraedt vit la mine furieuse de l’officier et s’approchant de sa femme, il dit vivement :

— Sois raisonnable… Si l’officier se fâche il est capable de tuer un de nous… Pars avec les autres et attends-moi à Bruges chez la cousine Léonie… J’y serai vite…

Songe à nos enfants et ne fais pas d’opposition !

La fermière ne fit plus d’objections. Elle embrassa son mari et dit d’un ton ému : « Adieu et que Dieu nous soit clément… je dois obéir… »

Et elle suivit les autres que des militaires accompagnaient.

— Prépare ton attelage ! ordonna l’officier.

Il fallait une charrette à banne.

Deraedt saisit les chevaux qui étaient tout épeurés par le fracas du canon et le bruissement des bombes et des balles.

Mais lorsqu’ils sentirent la main du maître, ils se calmèrent.

Quatre de ses chevaux et de nombreuses bêtes à cornes gisaient morts dans la prairie. Des Allemands crénaient un de ses porcs ; et