Page:Hans - À L'Yser, 1919.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 9 —

geux soldats, voulaient se faire encore plus belles…

Et ce malheureux pays qui étincelait, il y a quelques mois, comme une perle dans un écran, avait été lâchement foulé et violé !… Il fallait qu’on le secourût, qu’on le défendît, qu’on le protégeât, et tous ses fils devaient y concourir.

Quant à ses hommes, dès qu’ils auraient recouvré leurs forces, ils le comprendraient, ils en seraient pénétrés et ils reprendraient la lutte de plus belle…

À nouveau dans la mêlée…

Et des offres nouvelles…

Paul s’attrista. Il revit ses frères d’armes disparus… Il vit les tombes ornées d’une croix ordinaire, d’un chako ou d’un hâvre-sac…


l’indomptable Petit Belge.

La Belgique lui montrait ses entrailles… Il y avait des tertres un peu partout, mais ils se nivelleraient et le sol reprendrait son aspect verdâtre d’autrefois… Elles seraient légion celles, qui, s’intéressant à un fiancé, se poseraient la question : « Où repose-t-il ? Où ? » Les parents, les femmes, les sœurs erraient déjà de la sorte.

— Voilà ce que nous fit l’Allemagne, murmura Paul, l’Allemagne qui était si puissante… si grande, qui se glorifiait de sa civilisation et de sa culture. Elle entraîne dans cette guerre horrible la petite nation voisine, où tant de ses compatriotes jouissaient d’une si large hospitalité, où ils vivaient en pleine liberté, tels que nous-mêmes… Se méfiant des forteresses françaises, elle viola la Belgique, elle voulait vivre en parasite à nos dépens, elle voulait acheter sa gloire au prix de notre sang… de notre prospérité, de notre bonheur ! Elle imprégna de sang, de feu et de larmes, sa marche à travers notre pays.

Et qu’est-ce que l’avenir nous réserve ?…

Paul pensa de nouveau aux tombeaux…

Berthe errerait-elle peut-être aussi en demandant : « Où repose-t-il ? Où ? ».

— Ô, pourvu que cela ne soit pas, pria le lieutenant. Ne nous séparez pas, mon Dieu… Protégez-nous ; nous nous aimons tant et notre amour est si pur…

C’était comme s’il vit Berthe… Elle songeait à lui. Elle avait certainement reçu son télégramme et savait maintenant qu’il était à Ostende. Elle viendrait peut-être le voir demain… Elle y apprendrait que le régiment était actuellement ici… La verrait-il ?

Comme il aspirait à la revoir !

Paul vit Dixmude et la vallée de l’Yser, la région, de son bonheur, où il fit tant de promenades avec Berthe… C’était comme s’il entendait bruisser les joncs le long de la rivière, et que le vent soufflait sur les prés immenses et dans les hautes tours et églises, dans les fermes et jusque dans les dunes fauves de Nieuport.

Cela ranimait son courage et son amour pour la patrie, qu’il défendrait jusqu’à la dernière goutte de son sang…

Il se battrait ! Où ?

Il l’ignorait. Cette guerre n’était qu’embûche et surprises. Il ne s’y ingénierait pas davantage mais il se battrait là où son Roi, Albert le Courageux, qui symbolisait le Droit, le Devoir et l’Honneur, qui tenait haute sa fière et noble parole, l’appellerait.

Le calme se fit à Stalhille. Les habitants qui avaient fait la causette avec les soldats, rentrèrent chez eux, et les militaires se préparèrent au repos. Paul Verhoef gagna également sa chambre à l’auberge, mais il veilla bien avant dans la nuit.



III.

Vers l’Yser.


— En avant marche !

Et le régiment retourna à Ostende pour longer le littoral vers l’ouest.

Paul Verhoef marchait avec courage.

Il verrait peut-être Berthe, aujourd’hui…

Que se passerait-il à Anvers, maintenant ? On l’ignorait. Son régiment avait opéré la retraite avant que la forteresse fut tombée aux mains de l’ennemi.

Toutes les troupes avaient-elles pu se sauver ? Anvers résistait-elle encore ? Avait-on fait des prisonniers ?

Une foule de questions furent ainsi adressées au lieutenant, mais nul ne pouvait y répondre.