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AU PAYS DE MANNEKEN-PIS



MANNEKEN-PIS


La fillette en cheveux par moi longtemps suivie
Vint s’arrêter tout près de l’impudent gamin,
Ce cher bronze qui n’a de libre qu’une main…
Elle admirait son geste et paraissait ravie.

Ce qu’elle attendait là n’était point l’omnibus !
— Pucelle : une de ces exsangues fleurs du vice
Se dressant pour les cœurs naïfs comme un rébus.
« Viens ! » lui dis-je, prenant sa taille de novice,

« Viens, je veux te mener par les cafés-concerts
» Où, tout en écoutant rossignoler des airs,
» À longs traits, nous boirons le lambic des dimanches. »

L’enfant entrelaça les deux mains dans ses manches
Et, rêveuse, levant ses longs yeux de lapis,
Sans répondre, écouta pleurer Manneken-Pis.




ENCENS DE FOIRE


Chère, rappelle-toi ce lourd bouquet forain
Que humait goulument le peuple souverain.
Les fifres dans la nuit déservaient leurs vinaigres,
Le bugle éternuait à la face des cors
Et des pistons faussés. Scandant ces désaccords,
Tonitruaient les tambours maigres.

Mais plus stridente encor s’éparpillait dans l’air
Une gamme d’odeurs à défier tout flair,
Et plus farouchement éclatait la fanfare
Des huiles en travail et des âcres saindoux,
Épanchant leurs relents intenses par l’air doux
Où ta narine en fleur s’effare.