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lité la marche du chef hindou sur l’Adyar ; dangereuse si elle n’avait pas été prévue, cette manœuvre éventée amenait la déroute de l’ennemi. Pour les anéantir, il n’y avait qu’à prononcer sur les hordes hindoues une attaque de tête et de queue, combinaison facile, puisqu’on gardait avec Paradis et avec Madras des communications régulières. Le corps expédié de Pondichéry devait arriver sur l’Adyar le 4 novembre au matin. Dupleix expédiait donc, soixante heures avant cette date fatidique, l’ordre à d’Espremenil de se porter en toute hâte vers Saint-Thomé, d’écraser toutes les divisions ennemies qu’il aurait devant lui, et de rejoindre à tout prix les troupes de Paradis.

Le 4 novembre au matin, avec une exactitude devenue bien rare chez les généraux, Paradis arrivait sur les bords de l’Adyar. Autour de lui s’étendait à perte de vue une plaine couverte de récoltes, de cocotiers, de mûriers, de banyans. En face, sur l’autre rive, l’armée du nabab, forte d’environ dix mille hommes ; elle n’était pas retranchée. Maphiskan, estimant que la rivière servait de fossé au camp et constituait une barrière suffisante, s’était contenté d’établir sa nombreuse artillerie en avant de ses lignes.

Paradis n’avait pas un canon ; pourtant il ne s’effraya pas. Plein de mépris pour les pièces hindoues, mal pointées, mal servies, ne tirant sous de certains angles qu’un coup au plus par quart d’heure, il forma sa petite troupe en colonne, et se mettant à la tête, l’épée à la main, se jeta dans la rivière, dont le volume d’eau était peu abondant, la saison des pluies étant passée. La fraîcheur de l’onde ranimait les soldats, qui escaladaient