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constances et les moyens, d’une promptitude extraordinaire pour faire tourner à son profit les fautes de l’adversaire, il réunit, avec une persévérance infatigable, les matériaux apportés par ces courants de force mystérieuse qui font les empires, et de ses propres mains construisit l’édifice grandiose dont lui seul avait conçu le plan. Et il n’en fut pas seulement l’architecte, il en fut encore comme le pilier ; quand un ordre de Louis XV l’abattit, tout s’écroula.

Il ne dut les prodigieux succès qui marquèrent le début et le milieu de son entreprise qu’à la profondeur de ses calculs. L’éclat des victoires ne l’aveugla point. Il savait bien que tout n’était pas fini, qu’il y avait encore des dangers ; son tort fut de compter sur l’appui de Versailles ; sa seule erreur, ce fut la conviction qu’on ne l’abandonnerait pas. Après le désastre de Law sous Trichinapaly, il défendit son existence avec tant d’énergie, d’habileté et de sang-froid, qu’au moment de son rappel, il était redevenu le maître incontesté de l’Inde. C’est la plus éclatante démonstration de son génie. Quant à la preuve de la grandeur morale de Dupleix, on la trouve dans sa conduite au moment de la disgrâce. Il eût pu résister aux ordres de la cour ; il pouvait arrêter l’envoyé du conseil supérieur, Godeheu, et soulever toute la colonie. Les troupes lui auraient obéi avec enthousiasme. Il ne le voulut pas ; c’était à ses yeux une bassesse, et il avait en horreur ce qui était petit. Il eut le geste de César devant le poignard de Brutus, et fermant les yeux, le cœur déchiré, se drapa pour tomber.

Entre ces deux hommes, qui représentaient l’un la