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pair. Il était alors gouverneur de l’île de France, colonie qu’il avait créée après de prodigieux efforts. Depuis six ans, il n’avait eu qu’une pensée : organiser une flotte, afin de donner à la France la suprématie dans la mer de l’Inde. Pour mettre les navires à flot, il dépensa des miracles d’énergie et de volonté. Il lui fallut lutter contre l’apathie de Fleury, contre la nature elle-même. Il passa par toutes les fluctuations de l’espérance et du désespoir. Un moment il eut dans la main ces vaisseaux, instruments de la gloire qu’il rêvait ; un ordre du ministère les dispersa. Et cependant Dupleix réclamait du secours, les établissements de l’Inde allaient tomber, et avec eux cette renommée pour laquelle La Bourdonnais vivait uniquement. Non ! il ne verrait pas ce naufrage ! Il improviserait plutôt une flotte ! Il s’imposa la tâche d’armer une escadre, avec les maigres ressources de son île, sans ateliers, sans matériel ; il retint les navires qui arrivaient d’Europe à moitié désemparés par une longue traversée, et pour leur fournir des mâts et des vergues, il mit en exploitation les forêts. « Il se fit ingénieur, voilier, instructeur, artilleur, charpentier, et de ses propres mains fabriqua les modèles de tous les objets nécessaires. Sous sa surveillance, des hommes apprirent à tisser les voiles, d’autres fabriquèrent des affûts de canon et mirent les navires en état de les recevoir. Les matelots furent exercés à la manœuvre, au service des pièces, au tir à la cible. Comme leur nombre était insuffisant, il recruta un certain nombre de nègres pour les incorporer dans ses équipages. » Les vivres lui manquaient ; il fit des miracles et se les procura. Il avait réussi à équiper