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voyer ses vaisseaux. C’était l’abandon. Pondichéry avait une garnison de quatre cent trente-six soldats européens et des remparts inachevés ; dans la rade, un seul navire d’un faible tonnage. « Le blé était d’une rareté étonnante. On avait été contraint de jeter à la mer une grande quantité de farine prise à l’Orient, tant elle était mauvaise. De là, manque de pain et nécessité du rationnement. » Dupleix, dont l’intelligence n’est jamais plus lucide que dans le péril, trouva le moyen de sortir d’une situation qui eût fait pâlir plus d’un homme d’État.

Sur la côte de Coromandel, on croyait encore à la puissance des princes hindous, et le plus redoutable de tous ces potentats, c’était Anaverdikan. Il gouvernait la nababie du Carnate, cette langue de terre qui, sur un espace de cent cinquante milles, borde la mer à l’orient de la péninsule. Il tenait donc enclavés dans ses possessions les territoires de Madras et de Pondichéry. Il n’était pas impossible de faire intervenir en notre faveur ce haut personnage. Brave, énergique, intelligent, d’un caractère presque chevaleresque pour un Asiatique, il n’était pas parvenu au trône par l’assassinat, mais s’était imposé par ses exploits. Il avait été élevé à la nababie, en 1743, après la dernière invasion mahratte, qui avait ravagé le Carnate et laissé derrière elle la ruine et la révolution. Le palais d’Arcate, la capitale de la province, avait été ensanglanté par une série de meurtres. La nabab d’alors, Sufder-Ali, l’ami des Français, avait été poignardé ; son parent, Chanda-Saïb, « né sans fortune, mais plein de capacité, avec une énergie et une ambition sans bornes », et qui devait