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c’est d’être prêt le premier, et comme lui seul connaît l’impuissance du Mogol, comme lui seul a des plans de conquête définis, sait où il va et ce qu’il veut, il a barre sur l’Angleterre et doit garder la supériorité de la vitesse acquise. La Grande-Bretagne ne peut comprendre les desseins de Dupleix que le jour où la mise à exécution les aura révélés. Et alors il lui faudra rassembler ses forces, suivre une politique calquée sur celle de l’adversaire, chercher des alliés, négocier, trouver un prétendant, et tout cela devant Dupleix solidement appuyé sur un trône hindou, parlant par la bouche d’un souverain puissant, imposant ses lois en victorieux à un pays adorateur de la force. À cette heure-là, le gouverneur de Pondichéry aurait le droit de se comparer à un général, dont l’armée rangée en bataille surprend un ennemi en flagrant délit de formation. Il n’y avait dès lors rien de chimérique à espérer la victoire. Mais l’œuvre de préparation était multiple et longue. Il fallait d’abord réorganiser l’administration de la Compagnie, remettre de l’ordre dans les finances, fortifier Pondichéry, créer une armée. La seconde partie de la tâche était la plus délicate. Comment combiner l’action diplomatique à suivre avec les princes indigènes ? Comment arriver à nouer des rapports avec ces nababs entourés d’un faste éblouissant, aussi hauts que les monts, adulés, inaccessibles, pleins de mépris pour les Européens, marchands à l’humble costume, poussière humaine sur laquelle ces potentats laissaient tomber un regard dédaigneux du haut de leurs palanquins, escortés de gardes et d’esclaves aux habits chatoyants d’or et de pierreries ?