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rait-il au Mogol ? Dupleix, qui connaissait à fond la situation, qui avait analysé les causes et les effets, qui savait quelle supériorité la race européenne avait sur la race hindoue, vit qu’il était possible à un troisième compétiteur de réussir, et que l’héritier obligé du trône de Delhi, c’était l’Européen, c’est-à-dire la France si elle voulait. C’était par l’ascendant moral qu’on pouvait arriver à la domination des peuplades indiennes. Point de doute là-dessus, l’empire appartiendrait à la nation qui éblouirait le plus les indigènes. Tout dépendait donc de l’issue de la guerre qui allait s’engager entre l’Angleterre et la France. Dupleix, qui la croyait inévitable, en faisait la base de tous ses plans. Victorieux dans cette lutte, il avait l’Inde à ses pieds. Il fallait donc se préparer à ce duel et ne rien négliger de ce qui pouvait assurer la défaite des Anglais. Leur abaissement obtenu, la fondation d’un royaume franco-hindou n’était plus pour lui qu’une œuvre de politique assez facile à réaliser avec du temps, de l’argent, de la volonté, un peu de fer.

Ce ne fut pas chez lui seulement une intuition. Il a déjà conçu un plan vaste, compliqué, mais où il n’y aura plus tard, dans l’action, que bien peu de chose à changer. Il voyait clairement le but et les moyens d’y atteindre. La faiblesse de l’empire mogol lui donne l’occasion d’intervenir à son gré dans les affaires de l’Inde, et par cela même le moyen de se substituer aux musulmans dans la domination du pays. Les armées hindoues ne lui causent aucune frayeur. Il est sûr de dissiper ces immenses multitudes avec un petit corps de soldats français, dirigés par la tactique de l’Occident.