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les empereurs fainéants, les souverains de Delhi, dont la main débile ne pouvait supporter le poids d’un sabre, plongés dans les plaisirs du harem, préoccupés uniquement des caprices d’une favorite, des grimaces de leurs bouffons, stupéfiés par le haschich ou le bétel, ne gouvernaient plus et laissaient respirer ces peuples d’origine différente que la conquête n’avait broyés qu’à demi et n’avait pu mélanger. Ces nations, maintenues jusque-là dans une union obtenue par le fer et le sang, sentant le lien se distendre, s’écartaient peu à peu de l’orbite de l’empire pour vivre de leur vie propre.

Les soubabs et les nababs, c’est-à-dire les gouverneurs pour le Grand Mogol des régions et des provinces, avaient été les auteurs les plus actifs de cette désorganisation du royaume. Simples employés chargés de percevoir les impôts, fonctionnaires institués pour communiquer à leur département le mouvement reçu de Delhi, tel avait été au début leur rang dans la hiérarchie administrative créée par Bahour. L’apathie des successeurs d’Aureng-Zeb avait favorisé les usurpations de pouvoir de tous ces légats. On s’était habitué à les choisir originaires des pays qu’on leur donnait à régir, à les laisser toute la vie dans leurs gouvernements, et peu à peu le tribut avait remplacé l’impôt. La féodalité, une féodalité asiatique, s’était établie au lieu et place de la centralisation des Mogols.

Les nababs et les soubabs sont donc presque devenus rois. À force d’énergie ou d’intrigue, chacun s’est taillé un domaine, chacun désire le transmettre à ses descendants. Toute ouverture de succession est le commencement d’un drame où le poison et le poignard donnent