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Mais de là à exercer un protectorat dans la Péninsule, il y avait un abîme. Personne au reste n’en avait même l’idée, parmi les fonctionnaires de la Compagnie, qui n’étaient en somme que des employés de commerce, et dont la préoccupation capitale était de surveiller les tisseurs et d’empêcher les fraudes.

Le royaume du Grand Mogol, fondé au seizième siècle par Bahour et ses hordes musulmanes, avait été un des plus riches, des plus étendus, des plus puissants de l’univers. Le souverain de Delhi régnait sur l’Inde entière. De l’Himalaya au cap Comorin, de l’Indus au Brahmapoutra, tout lui obéissait. Point de pays qui comptât autant d’habitants, autant d’édifices d’une architecture surprenante et magnifique, autant de soldats prêts à défendre un trône dont la majesté éblouissait jusqu’aux Européens. Les richesses de cet empire étaient légendaires. Cette puissance épouvantait encore.

Dans l’imagination des indigènes et des Européens, cet empire apparaissait sous la forme d’un guerrier redoutable, bardé de fer, étincelant d’or, drapé dans la pourpre et dans la soie. Si une main hardie avait déchiré les oripeaux et délacé l’armure, on n’eût plus vu, à la place du théâtral appareil, que les os d’un squelette tombant en poussière, à demi effondré sous la dent des rats qui en rongeaient les dernières attaches.

L’histoire de la chute des héritiers de Charlemagne offre une analogie complète avec celle de la décadence des empereurs mogols. C’est la même décomposition politique, la même faiblesse chez les détenteurs du sceptre, le même besoin de séparation qui se manifeste chez tant de races rivées ensemble par la force. Comme