Page:Hamont - Dupleix d’après sa correspondance inédite, 1881.djvu/309

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme une marque de son ingratitude à mon égard. Je la regarde, au contraire, comme un service essentiel qu’elle me rend, et surtout d’avoir fait le choix de Godeheu, qui est le plus cher de mes amis. Je l’attends avec impatience. » C’était la naïveté du génie. Il devait être, six semaines plus tard, cruellement détrompé.

Le 1er août, le Duc de Bourgogne, le vaisseau qui portait Godeheu, arriva en rade de Pondichéry. Au moment où l’on signalait la terre indienne, Godeheu achevait une lettre qu’immédiatement il envoyait à Dupleix par une chélingue. Le sentiment qui lui avait dicté ce dernier billet, c’était toujours la crainte devoir échapper l’homme qu’il avait pour mandat de déposer. Il redoutait quelque pressentiment, quelque accès de fureur de cet esprit « si dangereux », et il cherchait à l’endormir par des épithètes caressantes et des protestations amicales. « J’ai l’honneur, disait-il, de vous informer de mon arrivée en cette rade, et de celle de l’arrivée de mon frère en très-bonne santé. Je souhaite qu’il en soit de même de la vôtre, et que votre incommodité n’ait aucune suite. Je céderais dès à présent à l’impatience que j’ai de vous embrasser et de faire ma cour à madame Dupleix et à mademoiselle sa fille, si je n’étais retenu ici jusqu’à ce que j’aie le logement que je vous ai demandé. Peut-être trouverez-vous cette résolution assez extraordinaire. Je suis pourtant pénétré de reconnaissance pour l’offre que vous voulez bien me faire. Clouet vous en dira de bouche les raisons. » Quoique décidé à rester fidèle à sa tactique hypocrite, il ne pouvait s’empêcher de laisser percer comme une menace dans la dernière phrase : « D’ailleurs, Monsieur,