Il venait d’apprendre la mort de son frère. Il se voyait enlevé son ami le plus sûr, son unique défenseur à Paris, au moment où cet appui eût été le plus utile, au moment où l’opinion prévenue par les pamphlets que La Bourdonnais, du fond de la Bastille, lançait sans se lasser, se prononçait avec passion contre le « dictateur, le proconsul vindicatif et cupide » dont l’ambition et la folie bouleversaient l’Inde en ruinant la Compagnie. C’était pour lui une perte amère, irréparable. Il eut un moment d’accablement ; il crut aux impossibilités matérielles que lui signalait Law. Il accepta le blocus. Cette diminution momentanée d’énergie eut de terribles conséquences.
L’Angleterre, aux jours du péril, a souvent eu la fortune de rencontrer un homme, pour sauvegarder les intérêts du pays. En ce temps-là ce fut Clive ; il était encore obscur ; mais il avait l’intuition et la foi. Il vit le danger et alla trouver Saunders, le gouverneur de Madras. « Il lui représenta que si on ne faisait pas un vigoureux effort, Trichinapaly succomberait, que la maison d’Anaverdikan périrait, et que les Français deviendraient les véritables maîtres de l’Inde. Il était absolument nécessaire de frapper un coup hardi ; il fallait attaquer Arcate. » Cette capitale était dégarnie. Il n’était pas impossible de faire lever le siège de Trichinapaly ou tout au moins « de transporter le théâtre de la guerre sur un nouveau terrain, et de conquérir des avantages qui compenseraient la perte de cette ville si elle succombait ». Saunders accueillit avec joie la proposition de Clive, et comme la veille des renforts d’Europe étaient arrivés à Madras, il lui confia