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premier ministre, vint alors trouver Bussy. Ragnoldas voyait sa fortune renversée ; il voulait la reconquérir. Il avait une foule d’ennemis parmi la noblesse du Dékan, qui le jalousait et ne lui pardonnait pas d’être d’une religion différente de la leur. Il était entièrement à la dévotion de Dupleix ; au fond, il ne pouvait se maintenir sans notre appui. Il demanda à Bussy vingt-cinq grenadiers pour sa garde personnelle. On lui accorda. Se sentant alors en sûreté, il pensa à donner un maître à l’armée et au Dékan, et pour être certain de réussir, il résolut de s’appuyer sur les Français. Il eut avec Bussy un long entretien où il exposa ses idées sur la situation, ainsi que les plans à suivre. Selon lui, il y avait tout avantage à se prononcer nettement pour Salabet-Singue. C’était le candidat désigné par la force des choses. Héritier légitime de Naser-Singue, il jouissait de la popularité que celui-ci avait eue. En le proclamant soubab, les Français pouvaient créer une sorte de fusion des partis. C’était un prince sans caractère, sans expérience, sans génie marqué ; on le gouvernerait comme on voudrait ; il serait trop heureux d’abandonner les affaires à son ministre, et Ragnoldas ajoutait qu’il serait ce ministre. Quant à la candidature du fils de Mousafer-Singue, elle lui paraissait ne pas devoir être discutée, tant elle avait peu de chance. C’était folie de penser à soutenir contre les cabales des seigneurs, contre les entreprises des Mahrattes, un prince enfant, sans argent, sans crédit, sans popularité, abandonné des troupes et de la noblesse. C’était vouloir éterniser les troubles ; si l’on désirait la paix, il fallait hardiment appuyer Salabet-Singue ; mais il était nécessaire de se hâter. Si l’on tardait à se