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allait sans peine installer Mousafer-Singue sur le trône de Golconde, et Dupleix, à l’aide de la pompeuse marionnette qu’il revêtait du costume royal, régnerait en maître absolu surplus de trente-cinq millions de sujets, qui, et c’était là le chef-d’œuvre de cette politique, gardaient l’illusion de l’indépendance et, en obéissant à Dupleix, croyaient obéir à un prince de leur nationalité et de leur religion.

Le premier acte du gouverneur général fut de manœuvrer afin de suggérer à Mousafer-Singue la volonté de se rendre à Pondichéry pour s’y faire proclamer roi de Golconde, et en agissant ainsi, Dupleix ne cédait pas, comme on le cria plus tard, à un mobile de vanité, mais bien à une inspiration d’homme d’État, suivant imperturbablement une ligne de conduite mathématiquement tracée. Que voulait-il en effet ? dominer l’Inde par l’ascendant du génie européen. C’était donc un des points essentiels de sa politique de ne jamais laisser échapper l’occasion de se poser en suzerain et en protecteur du système qui régissait l’Inde. Le soubab, en venant se faire couronner à Pondichéry, rendait à Dupleix l’hommage d’un vassal ; c’était la France qui donnait l’investiture à l’héritier de Nizam el Molouck.

On n’eut pas de peine à persuader Mousafer-Singue. Dupleix prit aussitôt les mesures nécessaires pour donner à la cérémonie un éclat extraordinaire ; il comptait beaucoup sur cette fête, il voulait frapper les imaginations, les éblouir par le rayonnement de nos richesses, les effrayer par la majesté de notre force et les rassurer par son attitude, au sujet des craintes conçues pour la liberté de l’Inde. Il disposa tout en