Naser-Singue, pour ne pas tomber entre nos mains, se retirait du champ de bataille, en donnant l’ordre de couper la tête à Mousafer-Singue, lorsqu’il se rencontra avec le nabab de Canoul, qui, altéré de vengeance, cherchait partout le soubab pour se mesurer avec lui. Naser-Singue, furieux, poussa son éléphant vers celui du général qui l’avait trahi, et, avant de le frapper, comme un héros d’Homère, l’accabla d’injures. Cependant Canoul le vise froidement et lui tire un coup de fusil qui renverse le prince, roide mort, dans le houdah. Le nabab saute aussitôt de son éléphant sur celui du roi inanimé, coupe la tête du soubab, la fixe au bout d’une lance et délivre Mousafer-Singue, « qui ne dut son salut qu’à cette particularité que l’officier chargé de l’exécution faisait partie des conspirateurs ».
Le jour montra à nos troupes quatre mille cadavres étendus par terre, et toute une armée qui descendait des hauteurs voisines, au bruit des trompettes et des cymbales ; c’étaient les cohortes de conjurés, qui escortaient Mousafer-Singue, ivre de la victoire, proclamé soubab du Dékan et marchant précédé du pavillon remis par Dupleix et de la tête sanglante de Naser-Singue.
Bussy alla féliciter le monarque, déjà entouré de tous les anciens courtisans du prince décapité, qui regardaient en raillant le trophée tragique qu’on secouait devant leur nouveau maître. À la vue du héros de Gingi, pâle, blessé, se soutenant à peine, mais fier et ayant au front l’auréole de la poudre, dans l’œil le reflet d’acier que laisse la bataille, Mousafer-Singue sentit sa faiblesse et celle de son peuple. Bussy, avec