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La nouvelle de la prise de Gingi avait tiré Naser-Singue de sa torpeur ; il éprouvait à la fois la colère et la crainte ; il frémissait au souvenir de ses défaites, il eût voulu écraser les Français, il redoutait leurs armes, et sa politique était le reflet de ses transes et de son irritation. Il formait une armée de soixante mille fantassins et de quarante mille chevaux, et à peine en marche, repris de peur, se décidait brusquement à envoyer à Dupleix des émissaires chargés de négocier la paix. Le caractère du soubab s’aigrissait dans ces alternatives. Il buvait plus que jamais et traitait les Anglais et les seigneurs de son armée avec une hauteur insupportable, allant jusqu’à menacer des nababs de les faire mourir sous le rotin. Ces accès de rage favorisèrent l’éclosion du complot, dont les ambassadeurs de Dupleix avaient semé les germes quelques mois auparavant. Le nabab de Canoul, exaspéré des menaces de Naser-Singue, qui criait qu’il lui retirerait gouvernement, terres et titres, et le nabab de Gadapa, ulcéré du supplice de son père, qu’on avait bâtonné, jurèrent de se venger, se concertèrent et s’entendirent pour faire défection à la première bataille. Aussitôt ils dépêchèrent un de leurs officiers à Dupleix, pour mettre le puissant gouverneur au courant de leur projet.

D’Autheuil, sur ces entrefaites, sortit de Gingi et s’avança sur la route d’Arcate, à la grande joie de Dupleix, qui, ignorant encore les propositions de paix du soubab, ainsi que le complot tramé contre ce dernier, restait convaincu de la nécessité d’une marche offensive dirigée contre la capitale de son adversaire. Cette démonstration ne pouvait avoir que deux effets,