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sans bravoure, ivrogne et débauché, rusé et stupide, au fond avait peur. Dupleix spéculait là-dessus, et, tout en négociant avec Naser-Singue, il pressait d’Autheuil d’agir, de marcher en avant.

« Le soldat français, lui écrivait-il, ne vaut que pour l’offensive. Il s’impatiente et se gâte dans l’inaction. Vous n’ignorez pas l’avantage de celui qui attaque. Tâchez donc d’en profiter. Vous savez que les gens de ce pays sont aisés à surprendre. Donnez-leur alerte dès la plus petite pointe du jour… Quelle opinion a-t-on de ce Lawrence ? A-t-on oublié l’affaire d’Ariancoupan, celle d’Ambour, où trois cents braves gens ont su forcer l’ennemi retranché avec autant de canons qu’il en a à présent ? Vous n’aviez alors que cinq ou six pièces. »

Le général allait enfin se conformer aux ordres du gouverneur, quand les Anglais ne gardèrent plus aucun ménagement. Ils dirigèrent un feu de mousqueterie et de canons sur les troupes françaises, campées en face de leurs quartiers. C’était eux qui prenaient ainsi l’odieux de l’agression. D’Autheuil envoya un parlementaire au camp anglais, pour demander si nous étions en guerre et pourquoi ils tiraient sur nous. Leur réponse fut une rodomontade. D’Autheuil ordonna alors à l’artillerie d’ouvrir le feu ; le bombardement fut si vif que l’armée de Naser-Singue recula d’une lieue. Un boulet passa près de celui-ci, qui eut peur, descendit de son éléphant et s’enfuit assez loin, après avoir tout fait pour décider les Anglais à se jeter sur nos troupes. Il ne put les amener à sortir du camp. Cette circonspection piqua au vif le soubab ; il méprisa ses auxiliaires, ne voulut plus les voir et se retourna vers Dupleix, qui demandait