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JEAN BOUCHET

Par quelque temps et son subiect attendre
Que par rigueur le destruire et tout prendre.


Et avec un bon sens où la simplicité pourrait bien toucher de près à la malice, l’auteur ajoute :


Seigneur qui vault tousiours riche se veoir
Riches subiectz il doit tousiours auoir.


Son intérêt d’ailleurs lui conseille la clémence ; Dieu « qui les bons bien guerdonne », récompense sans compter les cœurs larges, et il donnera aux généreux


Autant de biens et plus que n’en vouldront[1].


Un gentilhomme français vit de ses revenus et estime le commerce indigne de son rang ; les nobles Vénitiens, au contraire, tiennent à honneur « marchander » ; chez nous les nobles « ieunes, blancs et grisons »[2] , s’emploient tout entiers au service du roi, la guerre est leur métier, ils s’y livrent avec vaillance et hardiesse ; il convient pourtant de se défier de cette audace inconsidérée qui nous a fait battre dans tant de rencontres. La véritable valeur sait obéir, et ne se laisse pas emporter par la passion : la prudence et la discipline servent autant que la multitude et l’élan, et s’il faut applaudir le courage, il ne faut pas dédaigner une bonne position : sages conseils qui sans doute n’avaient rien de nouveau, mais grâce à notre imprévoyance, il fut toujours utile, pendant bien des siècles, de nous les répéter[3]. Le prudent procureur n’oublie pas de rappeler aux nobles que dans leurs campagnes ils doivent éviter les exactions et les pillages ; le peuple, par les charges et les impôts qu’il acquitte, achète le droit d’être protégé par les hommes de guerre, et pourtant les vexations qu’il subit lui font parfois préférer l’occupation étrangère au passage d’une

  1. 2 Mor. III, f° 16 b.
  2. 2 Mor. III, f° 16 c et d.
  3. 2 Mor. IV, f° 19 et 20.