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introduction générale

qu’ils n’espèrent faire triompher leur opinion et augmenter le nombre de leurs prosélytes, que par la violence de leurs déclamations et par l’amertume de leurs invectives. Un zèle éclairé pour l’énergie et l’efficacité du gouvernement sera stigmatisé comme l’effet d’un esprit passionné pour le despotisme et hostile aux principes de la liberté.

Un souci trop scrupuleux des droits du peuple, qui est plus communément un défaut de l’esprit que du cœur, sera représenté comme une comédie, un pur artifice, l’amorce classique pour gagner une grande popularité aux dépens du bien public. On oubliera d’un côté que la jalousie est inséparable de l’amour, et que le noble enthousiasme de la liberté est trop facilement souillé par une étroite et minutieuse défiance ; d’autre part, on oubliera également que la vigueur du gouvernement est essentielle au maintien de la liberté ; que, dans l’opinion d’un esprit sain et éclairé, leurs intérêts ne peuvent jamais être séparés ; qu’une dangereuse ambition se cache plus souvent sous le spécieux prétexte du zèle pour les droits de peuple, que sous l’apparence peu séduisante du zèle pour la force du gouvernement. L’histoire nous apprend que la première de ces deux routes a, bien plus souvent que l’autre, conduit au despotisme, et que les hommes qui ont détruit la liberté des Républiques ont, pour la plupart, commencé leur carrière en faisant au peuple une cour obséquieuse ; ils ont débuté démagogues, ils ont fini tyrans.

Par ces observations, j’ai désiré vous mettre, mes concitoyens, en garde contre toutes les tentatives que, de part ou d’autre, on pourrait faire pour influencer votre décision, dans une question si importante pour votre bonheur, par d’autres impressions que celles qui résultent de l’évidence de la vérité.