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ment un nombre, que dès lors une pluralité actuelle peut être sans nombre et par conséquent infinie sans qu’il y ait dans cette infinité actuelle la moindre contradiction. M. Séailles s’est efforcé de préciser au plus haut point l’objection en s’appuyant pour la soutenir sur la théorie même des catégories chez M. Renouvier. Selon M. Renouvier les catégories se formulent en trois moments : thèse, antithèse et synthèse, et le nom même du troisième moment indique assez que le lien entre lui et les précédents n’est pas analytique. Or la totalité ou le nombre est dans la catégorie du nombre le troisième moment, les deux premiers étant l’unité et la pluralité. Si l’on songe après cela combien une liaison synthétique chez M. Renouvier ressemble à une liaison de fait, on verra combien il s’en faut que la totalité soit au fond pour M. Renouvier inséparable de la pluralité. Ainsi raisonne M. Séailles. Mais il ne s’agit pas pour M. Renouvier d’établir un lien analytique entre la pluralité et la totalité, la contradiction ne consiste pas, selon lui, à séparer ces deux moments du nombre en tout état de cause, mais la séparation lui apparaît comme contradictoire quand certaines conditions sont données, savoir quand la pluralité est en acte, c’est-à-dire faite d’éléments discrets qui sont là, qui sont comme devant nos yeux. Reconnaissons pourtant que cette raison n’est peut-être ni parfaitement claire, ni, par suite, incontestable, et concluons qu’il est bien possible qu’il y ait parfois pluralité et même pluralité actuelle sans totalité et sans nombre. L’infinitisme n’a pas pour cela cause gagnée, car alors se présente la seconde interprétation de la pensée de M. Renouvier. En l’adoptant on s’obligerait sans doute à modifier le système dans la forme, dans la manière de le présenter : mais tout le fond, tout l’anti-infinitisme avec ses conséquences subsisterait.

Voici cette seconde interprétation : Lorsqu’on proclame qu’une pluralité est un infini en acte, on a opéré le passage des deux premiers moments de la catégorie du nombre au troisième. La synthèse n’est plus à faire, elle est faite, par cela qu’on parle d’infini en acte. L’infinité est l’analogue exact de la totalité ou même elle en est une espèce. M. Renouvier n’a pas besoin de chercher à passer de la pluralité à la totalité, ce sont ses adver-