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Philosophie où déjà il s’annonçait. Et sa fécondité n’est pas épuisée par toute la contribution qu’il a apportée à la démonstration de la thèse fondamentale du phénoménisme, il fournit encore des compléments à cette thèse. D’une part toute la philosophie du fini et la solution des antinomies kantiennes, de l’autre et par suite une certaine conception de la relativité de la connaissance en tant que celle-ci apparaît comme limitée, condamnée à ne pas s’achever toute dès que cet achèvement supposerait l’infini en acte. Il convient de voir ce que vaut un principe si prépondérant dans le système et en même temps ce que vaut la négation de l’infini actuel.

On peut donner de la pensée de M. Renouvier sur ces deux points étroitement solidaires deux interprétations. La première étant, il faut le reconnaître, celle qui répond le mieux à la lettre des ouvrages de l’auteur et à sa pensée la plus consciente. Cette première interprétation se laisse résumer dans les termes suivants : Toute pluralité actuelle est nombre ; l’infini actuel est pluralité actuelle, donc il est nombre ; ce qui est contradictoire en soi. — C’est contre cette interprétation que s’est élevée l’objection la plus forte ou, pour mieux dire, l’objection unique sans cesse reproduite par les adversaires de M. Renouvier. C’est elle qu’on trouve en 1877 (Crit. phil., 6e année, I, 193) dans une lettre de M. Boirac, puis dans une réponse de Lotze à M. Renouvier, (réponse à laquelle M. Renouvier réplique dans la Revue de M. Ribot en juin 1880), puis encore dans le livre de M. Milhaud sur la Certitude logique et enfin dans l’ouvrage de M. Séailles[1]. Mais, comme l’idée que l’infini actuel est impossible parce que toute pluralité est un nombre a rendu sans doute des conséquences nouvelles entre les mains de M. Renouvier sans qu’il ait été le premier inventeur de l’idée, l’objection dont nous parlons est déjà dans Leibniz en beaucoup de passages, où M. Renouvier l’a souvent relevée (voy. notamment Crit. phil., 1876, II, 71). Elle consiste à dire qu’une multitude, une pluralité, n’est pas forcé-

  1. Milhaud, Essai sur les conditions et les limites de la certitude logique. Paris, Alcan, 1895, 1 vol. in-8o, 3e partie, ch. III « La prétendue solution des antinomies mathématiques de Kant ». Séailles, La philosophie de Ch. Renouvier, ch. II, § VI, p. 69-79.