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peut, lui aussi, comporter une infinité de divisions simplement virtuelle. Car on devrait alors professer que c’est l’introduction de corps dans l’espace qui détermine des divisions auparavant sans fondement et qui disparaissent avec les corps. Mais le lieu que vient occuper un corps était avant lui et il survivra à la retraite du corps.

Sous la réserve de changements faciles, la même argumentation s’applique au temps et nous interdit d’en faire une chose en soi. Le temps ne peut être un contenu indivisible, il faudrait donc que le temps en soi fût un emboîtement infini de parties. Il n’est pas, s’il est en soi, divisible en puissance seulement, puisqu’il s’écoule, puisque ses parties se déroulent l’une après l’autre.

Pour ce qui est de la matière, l’absurdité qu’il y a à en faire une chose en soi est plus palpable encore que l’absurdité correspondante relevée déjà contre l’espace et le temps. En effet, dans le cas de la matière, nous éprouvons une grande facilité à imaginer les parties dont elle se compose, parce que chacune est marquée comme d’un caractère particulier qui nous aide à la discerner. Il va de soi qu’on n’avancerait à rien en disant la matière composée d’atomes : car à propos de ceux-ci la question de composition renaîtrait. Arguer de la solidité ou au contraire de la fluidité de l’atome c’est en accentuer la divisibilité au lieu de l’éviter car la solidité c’est l’impossibilité de faire rentrer des parties les unes dans les autres, et la fluidité c’est un glissement de parties les unes sur les autres.

Enfin c’est dans le mouvement que l’infinité actuelle et contradictoire du continu comme chose en soi éclate le mieux : ce qui fait que c’est là qu’on l’a le plus tôt aperçue, car c’est contre cette absurdité que sont dirigés au fond les arguments éternellement vrais de Zénon d’Élée. Nulle difficulté contre le mouvement dans la représentation parce que les étendues parcourues et les durées écoulées ont toujours une grandeur déterminée, mesurable par rapport à d’autres étendues et à d’autres durées également représentées. Mais quand on veut réaliser l’espace et le temps dans le mouvement il faut concevoir le mobile comme s’appliquant successivement pendant des durées infiniment petites à chacune des parties infiniment petites de