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mier Essai est une révolution et non une simple évolution, et il est bien certain que ce passage est en partie une révolution. Nous avons vu sans doute M. Renouvier presque aussitôt après la belle tranquillité du Manuel de philosophie moderne reprendre des inquiétudes devant la violation du principe de contradiction. Mais les atténuations laissaient subsister le mal et pour le décider à en couper la racine il lui fallut une crise. Disons comment il y a été conduit. C’est d’abord, nous venons de l’indiquer, par le principe du nombre. En effet, on pourrait concevoir, s’il ne nous avait pas renseignés, que la contradiction entre la liberté et le déterminisme eût produit en lui un malaise suffisant pour l’amener à reviser une bonne fois pour lui-même les titres du principe de contradiction et à prendre le parti de s’y soumettre et de choisir dès lors entre les deux doctrines contradictoires. En réalité ce n’est pas là ce qui eut lieu. Il nous dit expressément (Esquisse, II, 380) que sur ce point sa conversion fut lente, pénible, produite par une action étrangère, celle de Lequier, et non par le mouvement original de sa pensée. Ce mouvement s’est opéré autour du principe du nombre. Reste à préciser cette indication générale. La crise fut due à des méditations sur la philosophie des mathématiques. L’idée pivotale de sa nouvelle philosophie a procédé, nous dit l’avant-propos de la Logique (p. XVI) d’une méditation prolongée sur le sens et la seule justification possible des méthodes transcendantes en géométrie. Un passage correspondant de l’Esquisse d’une classification (II, 372) nous donne à penser que la lumière se fit un jour chez lui brusquement après de longs tâtonnements. Il s’agissait pour lui de choisir entre une théorie vraiment rationnelle de l’infini en mathématiques, puis aussi dans le concret (car il aperçut de bonne heure la solidarité des deux domaines) et une théorie irrationnelle et mystique dans ces deux ordres de choses. Nous avons vu et il nous dit combien il était attaché comme métaphysicien à l’infinitisme. Comme mathématicien pensant, ses tendances étaient toutes différentes. Il était, comme presque tous les mathématiciens, pénétré de cette idée irréfragable que le nombre infini est inacceptable, et il supportait avec peine l’embarras où ses professeurs l’avaient laissé touchant le moyen de