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phénoménale qui se partage même en deux ordres suivant le degré de la certitude, c’est-à-dire de la croyance avec laquelle elle peut être atteinte : il y a l’affirmation d’autres êtres que moi et que l’homme, il y a l’affirmation de certaines thèses métaphysiques et avant tout de la liberté. Toutes ces affirmations portent sur des phénomènes encore, non sur des phénomènes immédiats. En second lieu, M. Renouvier garde quelque chose de son ancienne phénoménologie : c’est le caractère d’insuffisance que présentait et que va continuer de présenter en un certain sens le phénomène. Le Premier Essai affirme bien qu’il n’y a que des phénomènes : mais il ajoute que c’est pour la connaissance ou relativement à nous qu’il en est ainsi. Le phénomène est une réalité relative. C’est toute la réalité pour nous. Est-ce toute la réalité en soi ? Sans doute il est difficile de parler d’une réalité en soi, d’une réalité qui n’est plus un représenté. Pourtant M. Renouvier déclare qu’il comprend l’énoncé de la fameuse proposition de Kant : à savoir qu’il faut bien qu’il y ait quelque chose qui apparaisse puisqu’il y a des phénomènes. Sans doute M. Renouvier repousse de toutes ses forces la proposition qui, en tant qu’argument, lui paraît un pur jeu de mots. Mais puisqu’il comprend l’énoncé, c’est donc qu’il admet la possibilité qu’il existe quelque chose à part de toute représentation. Qu’il existe quelque chose de tel on ne peut l’affirmer, on ne peut pas non plus le nier. Cette chose inconnaissable, il n’en dispute pas, dit-il, la prenne qui veut. Une telle formule revient à reconnaître encore une fois la possibilité d’une chose en soi. De sorte que, en fin de compte, M. Renouvier maintient un sens relatif à son phénoménisme ou à la proposition qu’il n’y a que des phénomènes. Peut-être pourrait-on dire que rien, si ce n’est les habitudes de sa pensée, ne l’empêchait de faire un pas de plus : car il aurait pu remarquer que, être posé en dehors de toute représentation et sans rapport avec la représentation, c’est encore pourtant et toujours être posé en fonction de la représentation, et que, par conséquent, la chose en soi ne peut être qu’une fiction, puisque l’idée en est contradictoire en elle-même. Mais cette remarque ne prendrait de l’intérêt que si nous nous occupions de la relativité de la connaissance au sens où elle fait