Page:Hamelin - Le Système de Renouvier, 1927.djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une telle essence commune n’existe pas, il n’y a que des individus. — Mais parce qu’il maintient la pluralité des individus et parce qu’il ne fait pas du moi une chose en soi, M. Renouvier est fondé à protester itérativement que personne n’est plus éloigné que lui de l’idéalisme subjectif ou égoïsme métaphysique.

Passons à présent à l’autre pôle de la représentation, au représenté. Ici M. Renouvier se déclare idéaliste, c’est-à-dire qu’il repousse de toutes ses forces la réalisation du représenté. Selon le réalisme, selon le matérialisme qui en est l’expression la plus ordinaire, le représenté serait antérieur à la représentation et lui servirait de base : l’objet serait premier. C’est chose impossible, répond M. Renouvier, car un objet est toujours relatif à un sujet, un représenté à un représentatif. Comme le sujet, l’objet n’est que dans la représentation. M. Renouvier n’est donc pas plus réaliste qu’il n’était idéaliste subjectif. À plus forte raison repousse-t-il le dualisme qui voudrait faire de la représentation le produit de deux facteurs existant chacun en soi, l’un sujet et l’autre objet. Il oppose une fin de non-recevoir à tous les systèmes : la représentation n’est ni une projection, ni une réflexion, ni un intermédiaire entre un sujet et un objet en soi. Elle est par elle-même : le représentatif et le représenté sont en elle. En un mot : la représentation n’implique que ses propres éléments.

De cette formule capitale et qui résume tout ce que nous avons exposé dans cette leçon, une autre formule découle immédiatement, à savoir que les phénomènes sont les éléments de la connaissance, et étant donné que la connaissance est notre tout, cela revient à dire que le phénoménisme est le vrai. Il faut toutefois expliquer le sens de l’assertion qu’il n’y a que des phénomènes et qu’il n’y a pas de choses en soi. — On ne rendrait pas exactement la pensée de M. Renouvier en disant que dans et depuis le Premier Essai il garde la phénoménologie dont il parlait antérieurement et supprime le reste. D’abord il modifie sa phénoménologie : celle-ci ne consistait qu’en des apparences, en des phénomènes immédiats tels que ceux devant lesquels les sceptiques s’inclinent. Dans le Premier Essai les phénomènes immédiats ne sont plus que le point de départ : il y a une réalité