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« C’est avec raison, dit-il, que Socrate cherchait l’essence ; car il cherchait à faire des syllogismes, et le principe des syllogismes c’est l’essence[1]. »

Cependant Aristote, tout socratique et platonicien qu’il est, a pourtant en lui quelque chose du sentiment réaliste des anciens et du goût pour un réalisme qui est, en un sens, l’opposé de celui de Platon. De là certains traits marquants de sa manière de penser, et dans l’ordre de l’être, et dans l’ordre de la science. Dans l’ordre de l’être, Aristote pense dès l’abord, et très décidément, avec les anciens que l’être c’est l’individu. Par suite, il estime que, en dehors de l’individu, le plus réel est-ce qui s’en rapproche le plus, savoir le complexe. Dans l’ordre de la science, la direction réaliste de sa pensée se marque d’une double façon. D’abord les universaux dont part la démonstration ne sont pas les genres les plus généraux : ce sont au contraire des genres déjà complexes, irréductibles entre eux, des universaux riches de contenu. D’un autre côté, Aristote fait une part à l’expérience, soit en tant que la sensation est pour la raison une manière d’exercer son pouvoir d’intuition, soit même en tant que la sensation a pour fonction de saisir le contingent. L’esprit expérimental est même si développé chez Aristote qu’il faut voir en lui le plus puissant des promoteurs de la science expérimentale chez les anciens. C’est grâce à lui et à son école, qu’il y a eu dans l’antiquité, en dehors de l’astronomie, une certaine somme de connaissances sur les phénomènes naturels et quelque soupçon de la méthode propre aux sciences de la nature (cf. infra).

Il y a donc eu dans la pensée d’Aristote deux tendances opposées, bien que la tendance prédominante ait été la tendance conceptuelle. A-t-il réussi à compléter la philosophie du concept par la conciliation de ces deux tendances, et à résoudre, en y faisant entrer des éléments réalistes assimilables, la difficulté interne que cette philosophie avait laissé voir chez Socrate et chez Platon ? C’est ce que nous rechercherons plus tard seulement. Nous voulions marquer le

  1. Métaph. Μ, 4, 1078 b, 23 : ἐκεῖνος δ’ εὐλόγως ἐζήτει τὸ τί ἐστιν, συλλογίζεσθαι γὰρ ἐζήτει, ἀρχὴ δὲ τῶν συλλογισμῶν τὸ τί ἐστιν.