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cultés, ni encore moins toutes les hésitations, soient supprimées, la théorie aristotélicienne de la connaissance, bien scrutée, cesse de se présenter comme destinée à contredire violemment la théorie de l’être. Nous ne serons pas, semble-t-il, condamnés à professer, ni surtout à professer sans réserve, que chez Aristote ce qui est connu n’est pas réel et que ce qui est réel n’est pas connu.

Abordons maintenant la théorie de l’être elle-même. La partie négative de cette théorie est célèbre et parfaitement nette. Si Aristote a pu être tout près parfois de reprendre pour son compte la doctrine que la science exige comme objet les Idées platoniciennes, jamais, dans sa théorie de l’être, il n’a cessé de combattre le Platonisme et de soutenir que l’Idée, bien loin d’être la réalité suprême, n’est nullement capable de subsister par soi. Il ne peut être question de reproduire ici dans son entier l’argumentation, indéfiniment prolongée et variée, d’Aristote contre la réalité des Idées. Rappelons seulement quelques-unes de ses raisons. L’Idée, en tant qu’universel extensif, est par là-même, aux yeux de Platon, transcendante, c’est-à-dire douée d’une existence séparée ; car ce qui est commun à plusieurs choses n’est, comme tel, enfermé dans aucune d’elles. Pour Aristote, c’est précisément là un caractère qui l’empêche d’être une réalité. En effet l’essence d’une chose, c’est ce qui est propre à cette chose. Ou bien donc toutes les choses qui participent d’une Idée ne font qu’une seule et même chose, ou bien l’Idée qui n’est adéquate à aucune des choses qui participent d’elle ne saurait en être l’essence et la substance (Métaph. Ζ, 13, 1038 b, 8-15). Si d’ailleurs il faut compter une Idée partout où se trouve un élément commun à deux ou plusieurs choses, ces prétendues réalités seront en nombre infini. En effet entre les hommes et l’Idée de l’homme il y a quelque chose de commun ; donc il existe une nouvelle réalité, le troisième homme, et, comme il y a encore quelque chose de commun entre ce troisième homme et les autres termes au-dessus desquels il s’est élevé, il faudra ériger une réalité de plus, et ainsi à l’infini[1]. Lors-

  1. Voir Bonitz, Metaph. II, p. 111 sq.